Proposition, être et vérité : Aristote ou Antisthène ? (à propos de Aristote, Métaphysique Δ, 29)

Théories de la phrase et de la proposition de Platon à Averroès, éd. Ph. Büttgen, St. Diebler et M. Rashed, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 1998, p. 45-67.

Dans  cet article, on montre que la définition classique de la vérité comme adequatio rei et intellectus se trouve bien chez Aristote en dépit de certaines interprétations de sa pensée d’inspiration heideggérienne. Cette définition repose sur la thèse aristotélicienne de la distinction des deux niveaux (vrai et faux ne qualifient pas les choses mais les énoncés ou les pensées qui portent sur elles). Cette thèse trouve le renfort de l’analyse du chapitre Delta 29 de la Métaphysique consacré au « faux ». Ce chapitre fournit une véritable archéologie des concepts de « proposition » et de « vérité » depuis Antisthène (la proposition comme définition ; dire vrai, « c’est dire ce qui est ») à Aristote (la proposition, le « dire quelque chose de quelque autre chose », n’est pas une définition; le vrai et le faux supposent l’analycité de la proposition), en passant par Platon 1 (Euthydème, Cratyle, Théétète) et Platon 2 (Sophiste). Loin d’infirmer la définition classique de la vérité, ce texte, comme d’ailleurs tous les autres dans la Métaphysique, la suppose.

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Qui sont les inventeurs de la politique ?

Les aventures de la raison politique, Paris, éd. Métaillé, 2006.

La politique est-elle une invention grecque ? L’idée semble ethnocentrique. On peut en effet définir la politique par l’antagonisme de deux traits universels : la nécessité humaine de faire société et l’impossibilité de faire société sans une instance de pouvoir. On définira ainsi abstraitement la « démocratie » comme l’effort d’identification entre ces deux traits. On compare alors deux types de sociétés dont l’organisation visait à cette adéquation des deux instances opposées : les sociétés indiennes de la forêt telles que les décrit Pierre Clastres (La société contre l’Etat) où le chef a une autorité mais il est sans pouvoir; l’unité et l’ordre n’émanent pas de lui mais de la société elle-même, ils se confondent avec elle ; et le régime de Athènes classique défini par trois traits : l’isègoria ou droit égal de tous à la parole politique, la rotation des charges et le tirage au sort.

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Une physique matérialiste est-elle soluble dans l’indéterminisme ? Le clinamen dans l’atomisme épicurien

Ontology Studies = Cuadernos de Ontologia , N°1-2A, Año 2001. Proceedings of III. International Ontology Congress ( San Sebastian , 1998. Physis. From Greek Thought to Quantum Mechanics ).

Le clinamen est un concept de la physique des Épicuriens: il s’agit d’un léger mouvement indéterminé des atomes permettant d’expliquer leurs rencontres originaires, d’où naîtraient les entrelacs des corps composés et, de proche en proche, l’ensemble du monde, ainsi que la libre volonté des êtres vivants. Depuis l’Antiquité, ce concept a fait l’objet de vigoureuses critiques. Elle semble introduite dans la physique comme une hypothèse ad hoc arbitraire ; elle paraît expliquer obscurum per obscurius ; enfin, elle semble menacer la cohérence de tout l’édifice matérialiste: comment les physiciens épicuriens peuvent-ils sauver la rationalité de l’explication physique en recourant à un principe inexplicable et à un mouvement irrationnel ?

Après avoir décrit précisément le clinamen et déterminé ses fonctions physique, psychologique et morale, nous montrons que le déterminisme des « lois de la nature » (autre invention épicurienne dont le clinamen est solidaire) implique l’indétermination des événements. Pour les épicuriens, tous les phénomènes sont strictement normés, mais rien n’arrive nécessairement. Nous pouvons comprendre toute la nature sans avoir besoin d’expliquer chaque événement dans sa singularité. Tout est en ordre dans la nature, mais nous pouvons agir sur l’ordre du monde. Loin de nous donner l’image d’une physique incohérente, la physique épicurienne nous donne, avec la théorie du clinamen, l’exacte mesure d’indéterminisme physique que peut supporter une philosophie matérialiste.

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The three pleasures of mimesis according to Aristotle’s Poetics

The Artificial and the Natural : An Evolving Polarity, MIT Press, Cambridge (MA–USA), 2007, chap. 3.

Dans cet article, je m’efforce de montrer

1/ Comment, dans la Poétique, Aristote a forgé un concept hybride de technè mimetikè, qui lui permet de penser l’unité de ce nous appelons « beaux-arts ». Si tout « art imite la nature », ce n’est justement pas cette relation à la nature qui définit les arts imitatifs.

2/ Comment la constitution de ce concept complexe permet d’expliquer les différents plaisirs que l’homme prend aux œuvres d’art et de distinguer celui qui dépend de sa dimension imitative de la nature (plaisir de la représentation), et celui qui dépend de sa dimension artistique (plaisir esthétique).

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Du métier de sophiste à l’homme-mesure

Manuscrito: revista internacional de filosofía, 5/2 (1982), p. 7-36.

En partant des premières définitions du sophiste dans le Sophiste de Platon, on se propose de reconstituer la pensée des sophistes historiques sans séparer les « doctrines » des pratiques professionnelles et de leur statut de professeurs salariés itinérants. On met ainsi en rapport les opérations économiques nécessaires à la conquête de marchés et les présupposés pédagogiques correspondant. À partir de la notion de « juste salaire », on montre l’équivalence sophistique entre langage et monnaie. On est ainsi conduit à suggérer quelques connotations de la fameuse formule de Protagoras « L’homme est la mesure de toutes choses »: pour une pensée de l’échange universel, l’homme semble être la seule unité de mesure de toutes choses qui s’échangent économiquement ou discursivement, et l’étalon de conversion des valeurs nécessaires à la communauté.

 

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