Une physique matérialiste est-elle soluble dans l’indéterminisme ? Le clinamen dans l’atomisme épicurien

Ontology Studies = Cuadernos de Ontologia , N°1-2A, Año 2001. Proceedings of III. International Ontology Congress ( San Sebastian , 1998. Physis. From Greek Thought to Quantum Mechanics ).

Le clinamen est un concept de la physique des Épicuriens: il s’agit d’un léger mouvement indéterminé des atomes permettant d’expliquer leurs rencontres originaires, d’où naîtraient les entrelacs des corps composés et, de proche en proche, l’ensemble du monde, ainsi que la libre volonté des êtres vivants. Depuis l’Antiquité, ce concept a fait l’objet de vigoureuses critiques. Elle semble introduite dans la physique comme une hypothèse ad hoc arbitraire ; elle paraît expliquer obscurum per obscurius ; enfin, elle semble menacer la cohérence de tout l’édifice matérialiste: comment les physiciens épicuriens peuvent-ils sauver la rationalité de l’explication physique en recourant à un principe inexplicable et à un mouvement irrationnel ?

Après avoir décrit précisément le clinamen et déterminé ses fonctions physique, psychologique et morale, nous montrons que le déterminisme des « lois de la nature » (autre invention épicurienne dont le clinamen est solidaire) implique l’indétermination des événements. Pour les épicuriens, tous les phénomènes sont strictement normés, mais rien n’arrive nécessairement. Nous pouvons comprendre toute la nature sans avoir besoin d’expliquer chaque événement dans sa singularité. Tout est en ordre dans la nature, mais nous pouvons agir sur l’ordre du monde. Loin de nous donner l’image d’une physique incohérente, la physique épicurienne nous donne, avec la théorie du clinamen, l’exacte mesure d’indéterminisme physique que peut supporter une philosophie matérialiste.

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« Je » et « maintenant »

 

 

 

 

 

 

Les Formes de l’ indexicalité : langage et pensée en contexte, sous la direction de Sacha Bourgeois-Gironde, Paris, Éditions « Rue d’Ulm », 2005.

Des parallélismes structurels entre l’identité personnelle et la nature du temps, révélés du fait d’analogies sémantiques et d’inversions conceptuelles entre l’usage du « je » et celui de l’adverbe « maintenant », induisent l’idée que le moi et le présent sont deux faces opposées d’un même concept plus général. On ne peut penser l’un sans l’autre.

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Du métier de sophiste à l’homme-mesure

Manuscrito: revista internacional de filosofía, 5/2 (1982), p. 7-36.

En partant des premières définitions du sophiste dans le Sophiste de Platon, on se propose de reconstituer la pensée des sophistes historiques sans séparer les « doctrines » des pratiques professionnelles et de leur statut de professeurs salariés itinérants. On met ainsi en rapport les opérations économiques nécessaires à la conquête de marchés et les présupposés pédagogiques correspondant. À partir de la notion de « juste salaire », on montre l’équivalence sophistique entre langage et monnaie. On est ainsi conduit à suggérer quelques connotations de la fameuse formule de Protagoras « L’homme est la mesure de toutes choses »: pour une pensée de l’échange universel, l’homme semble être la seule unité de mesure de toutes choses qui s’échangent économiquement ou discursivement, et l’étalon de conversion des valeurs nécessaires à la communauté.

 

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Démocratie et vérité

Manuscrito : revista internacional de filosofía, 6/2 (1983) p. 151-171.

Partant de l’analyse de la célèbre formule de Protagoras « L’homme est la mesure de toutes choses » dans le Théétète de Platon, on montre qu’elle s’appliquait à deux types de situation: les sensations, et les opinions, c’est-à-dire à tous les cas d’opposition entre propositions prédicatives (« S est P », « S n’est pas P ») – ce qui explique l’autre formule célèbre du sophiste: « Sur tout sujet, il y a deux logoi en opposition ». On montre ensuite que cette conception « relativiste » de la vérité repose sur une même théorie de la vérité que celle élaborée par Platon et Aristote, la vérité-adéquation, avec l’ensemble de ses conditions logiques. L’opposition Protagoras/ Platon peut alors être interprétée comme un conflit interne à cette nouvelle « vérité » (par opposition à la « vérité archaïque » des « maîtres de vérité » qui disent vrai par l’autorité dont ils sont investis). Ce conflit oppose les vérités épistémiques et les vérités toxiques, et il est le reflet de l’opposition entre les procédures d’établissement des vérités dans le domaine mathématique (démonstration) et dans le domaine politique (selon les règles de la démocratie athénienne) qui sont inventées à la même époque. Le rôle de la contradiction est inverse dans les deux types de procédures : signe de fausseté dans un cas, condition d’acceptation des vérités partagées dans l’autre cas.

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