Notre humanité. D’Aristote aux neurosciences (Fayard).

Livre Notre humanité. D’Aristote aux neurosciences Fayard, 2010, 396 pages.

 

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Les idées ne mènent pas le monde. Pourtant, les représentations que les hommes se font de leur humanité le font tourner dans un sens ou dans l’autre. À l’origine des grandes révolutions scientifiques, il y a une idée philosophique de l’homme : l’« animal rationnel » de l’Antiquité est lié à la naissance des sciences naturelles ; à l’âge classique, l’« âme étroitement unie à un corps » de la métaphysique cartésienne est indissociable de la physique mathématique ; le « sujet assujetti » du structuralisme était l’objet privilégié des sciences humaines triomphantes du siècle passé ; et le vivant défini par ses « capacités cognitives » marque la victoire actuelle des neurosciences.
Chaque définition de l’homme charrie aussi son lot de croyances morales et d’idéologies politiques, d’autant plus puissantes qu’elles semblent soutenues par les certitudes scientifiques de leur époque. Derrière l’esclavagisme ou le racisme, à l’origine du totalitarisme ou des formes les plus subtiles de l’antihumanisme contemporain, se trouve une définition de notre humanité. C’est toujours au nom de ce qu’est l’homme ou de ce qu’il doit être que l’on prescrit ce qu’il faut faire et ne pas faire. L’idée d’humanité se situe à l’entrecroisement d’un rapport aux savoirs qu’elle permet de garantir et d’un rapport à des normes qu’elle permet de fonder. Elle est donc le lieu de toutes les confusions et l’enjeu de toutes les querelles de légitimité.
Quelle idée de l’homme peut-elle encore être la nôtre aujourd’hui qu’on le décrète un « animal comme les autres » ? Que reste-t-il de notre humanité si elle ne peut plus se définir par sa place entre divinité et animalité ?
L’« animal rationnel » n’a pas dit son dernier mot. Pas plus que l’humanisme, que l’on dit pourtant « épuisé ».

 

Une physique matérialiste est-elle soluble dans l’indéterminisme ? Le clinamen dans l’atomisme épicurien

Ontology Studies = Cuadernos de Ontologia , N°1-2A, Año 2001. Proceedings of III. International Ontology Congress ( San Sebastian , 1998. Physis. From Greek Thought to Quantum Mechanics ).

Le clinamen est un concept de la physique des Épicuriens: il s’agit d’un léger mouvement indéterminé des atomes permettant d’expliquer leurs rencontres originaires, d’où naîtraient les entrelacs des corps composés et, de proche en proche, l’ensemble du monde, ainsi que la libre volonté des êtres vivants. Depuis l’Antiquité, ce concept a fait l’objet de vigoureuses critiques. Elle semble introduite dans la physique comme une hypothèse ad hoc arbitraire ; elle paraît expliquer obscurum per obscurius ; enfin, elle semble menacer la cohérence de tout l’édifice matérialiste: comment les physiciens épicuriens peuvent-ils sauver la rationalité de l’explication physique en recourant à un principe inexplicable et à un mouvement irrationnel ?

Après avoir décrit précisément le clinamen et déterminé ses fonctions physique, psychologique et morale, nous montrons que le déterminisme des « lois de la nature » (autre invention épicurienne dont le clinamen est solidaire) implique l’indétermination des événements. Pour les épicuriens, tous les phénomènes sont strictement normés, mais rien n’arrive nécessairement. Nous pouvons comprendre toute la nature sans avoir besoin d’expliquer chaque événement dans sa singularité. Tout est en ordre dans la nature, mais nous pouvons agir sur l’ordre du monde. Loin de nous donner l’image d’une physique incohérente, la physique épicurienne nous donne, avec la théorie du clinamen, l’exacte mesure d’indéterminisme physique que peut supporter une philosophie matérialiste.

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