Trois utopies contemporaines

Trois utopies contemporaines

Nous avons perdu les deux repères qui permettaient autrefois de nous définir entre les dieux et les bêtes. Nous ne savons plus qui nous sommes, nous autres humains. De nouvelles utopies en naissent. D’un côté, le post-humanisme prétend nier notre animalité et faire de nous des dieux promis à l’immortalité par les vertus de la technique. D’un autre côté, l’animalisme veut faire de nous des animaux comme les autres et inviter les autres animaux à faire partie de notre communauté morale.

Alors forgeons une nouvelle utopie à notre échelle. Ne cherchons plus à nier les frontières naturelles — celles qui nous séparent des dieux ou des animaux — et défendons un humanisme conséquent, c’est-à-dire un cosmopolitisme sans frontières

 

Introduction Mort et renaissance des utopies

 Nous sommes fatigués des utopies.

Nous sommes las des utopies littéraires ou des songeries sur la Cité idéale : les utopies en acte que furent les totalitarismes du xxe siècle nous en ont dégoûtés. Les horreurs réelles des unes nous empêchent de rêver aux autres.

Nos anciennes utopies

De Platon à Thomas More, d’Étienne Cabet à Fourier, les utopies disaient le refus du présent et du réel : « Il y a du mal dans la communauté des hommes. » Mais elles ne lui opposaient pas le futur ni même le possible ; elles décrivaient un impossible désirable : « Voilà où il ferait bon vivre ! » Ce n’étaient pas des programmes politiques échafaudant les moyens d’atteindre une fin raisonnable. Elles se contentaient de vouloir le meilleur. Et mieux valait le Bien jamais qu’un moindre mal demain. Elles étaient révolutionnaires, mais en paroles : « Les hommes vivent ainsi, ils ont toujours vécu ainsi, il devraient enfin vivre autrement. » Ainsi en allait-il de toutes les utopies communistes du xixe siècle. Lorsqu’il fallait passer aux travaux pratiques, on s’efforçait de fonder, ailleurs et pour quelque temps, une petite communauté réelle plus ou moins conforme aux rêves. Les utopistes étaient révolutionnaires quand ils n’étaient pas réalistes et quand ils étaient réalistes, ils n’étaient pas révolutionnaires. Ils ne visaient jamais à extirper le Mal une fois pour toutes et à renverser les communautés politiques existantes pour y instaurer le Bien. Par exemple Étienne Cabet avec son communisme chrétien imaginait la cité idéale d’Icarie et tentait de fonder une colonie icarienne à La Nouvelle-Orléans en 1847. Charles Fourier avec son phalanstère était en quête d’une harmonie universelle qui se formerait librement par l’affection de ses membres. Le plus réaliste de tous, Saint-Simon, décrivait une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs) auraient pour tâche d’administrer la France le plus économiquement possible, afin d’en faire un pays prospère où règneraient l’intérêt général et le bien commun, la liberté, l’égalité et la paix ; la société deviendrait un grand atelier. Mais le rêve d’une association des industriels et de leurs ouvriers reposant sur la fraternité, l’estime et la confiance s’est dissout dans la réalité des grandes entreprises capitalistes des saint-simoniens, au canal de Suez ou dans les chemins de fer français.

Et il en va de même, au fond, des théoriciens du « communisme scientifique » au xixe siècle, Karl Marx et Friedrich Engels. Ils étaient certes à la fois authentiquement révolutionnaires et profondément réalistes parce qu’ils fondaient leur projet politique sur une analyse du fonctionnement économique et historique du capitalisme, mais l’idée communiste et l’abolition de la propriété privée demeuraient chez les auteurs du Manifeste à l’état d’ébauche un idéal abstrait et pour ainsi dire vide, en cas tout aussi utopique que chez les théoriciens français. Dans les Manuscrits de 1844, l’idée communiste n’est qu’une pure spéculation conceptuelle autour de « l’appropriation réelle de l’essence humaine par l’homme et pour l’homme » ou « la vraie solution de la lutte entre existence et essence, entre objectivation et affirmation de soi, entre liberté et nécessité ». Dans L’Idéologie allemande elle est une formule purement verbale désignant « le mouvement réel qui abolit l’ordre établi ». Chez Engels, elle est « l’enseignement des conditions de la libération du prolétariat » (Principes du communisme). Elle est même plus vague et plus abstraite chez les marxistes que chez les utopistes, coupée qu’elle demeure de toute tentative pour la fonder conceptuellement et de toute analyse concrète des moyens de la réaliser. Elle est encore comme un songe de Cité idéale où « chacun recevrait selon ses besoins », selon une formule qui circule plus ou moins chez tous les utopistes français du communisme du xixe siècle.

Au contraire des précédentes, les utopies en acte des totalitarismes du xxe siècle se situent au croisement d’un idéal révolutionnaire (« casser en deux l’Histoire du monde », selon l’expression de Nietzsche dans Ecce Homo, reprise jadis par les maoïstes) et d’un programme réaliste de transformation politique radicale. Alors que les utopies, de Platon à Engels, se gardaient bien de se donner les moyens d’atteindre l’idéal afin d’en préserver la perfection, c’est l’inverse dans les utopies en acte : celles-ci doivent retarder infiniment l’atteinte de la fin pour mettre mieux en œuvre les moyens susceptibles de la réaliser. Il n’est donc plus question de songer au Bien mais de lutter indéfiniment contre le Mal. Et le Mal, dans la communauté politique, a, comme toujours depuis la République de Platon[1], deux visages : soit l’Impur, soit l’Inégal. La Cité doit donc être soit une communauté d’égaux, dont l’unité parfaite est garantie par le fait que tout est commun entre eux ; soit une communauté pure, dont l’unité parfaite est garantie par le fait que tous sont de même provenance. Elle se définit soit par le commun des avoirs (rien ne doit appartenir à quiconque si ce n’est à tous) soit par l’identité des êtres (aucun ne doit être étranger) : le commun que nous avons (ou que nous devrions avoir) ou celui que nous sommes (ou que nous devrions être). Bien entendu, dans cette union de l’idéalisme révolutionnaire et du réalisme programmatique, le Bien absolu, le Pur, le Commun, est une idéalité toujours hors d’atteinte : c’est le combat à mort contre le Mal qui devient l’obsession de ces régimes de terreur.

Le Pur doit commencer par exclure. Mais il n’en finit pas d’exclure parce que le déjà purifié n’est jamais assez pur. Au point que l’idée se mue en délire infini d’évincer, puis de chasser, enfin d’exterminer. Les Juifs et les Tziganes, incarnant le microbe malin menaçant la pureté de la race et du sang aryens, devaient être traqués jusque dans les moindres recoins des territoires sous domination nazie, avant d’être éliminés comme des poux.

De même, le Commun et le communisme sont hors d’atteindre. Il faut commencer par exproprier. Mais il y a encore et toujours de la propriété et du privé. On ne peut donc jamais arrêter d’exproprier, de déposséder, de communiser. Les luttes contre les classes (supposées) possédantes ou récalcitrantes à la collectivisation, les petits propriétaires terriens, engendrent des déportations de masse (dékoulakisation) ou l’organisation systématique d’immenses famines (Holomodor). C’est pourquoi, en dépit du formidable espoir d’émancipation qu’il a représenté pendant près d’un siècle pour les classes ou les peuples exploités du monde entier, l’idéal communiste s’est fracassé au xxe siècle contre le mur du « socialisme réel ». Aux antipodes du communisme rêvé auquel il était supposé mener inéluctablement, il se transforma en une machine tyrannique, bureaucratique et totalitaire. La société sans État esquissée par Marx dans l’Anti-Dühring[2] devint son contraire, une dictature de l’État contre la société. Le terrible fiasco de cette utopie en acte a dissipé les rêves de libération collective — alors même que « l’exploitation de l’homme par l’homme » continue partout de bien se porter.

Il n’en va pas de même, hélas, des utopies révolutionnaires au nom du Pur. Alors même que l’idéal communiste a quasiment disparu de tous les programmes politiques, l’idéologie puriste du sang ou de la race, l’illusion de la provenance commune (qu’elle soit biologique ou religieuse) et donc la haine destructrice de l’étranger continuent de nourrir les utopies collectives et leurs cortèges de massacres : génocide rwandais anti-Tutsis, épuration ethnique des musulmans dans l’ex-Yougoslavie (notamment en Bosnie), nettoyage ethnique de chrétiens, de Turcomans chiites et de yazidis dans l’autoproclamé « État islamique », etc.

Fin des utopies ?

Tout cela nous semble désormais heureusement épargné, ici, dans nos « démocraties occidentales », après plus de soixante-dix ans de paix à l’abri de l’Europe, de quelques décennies de relative prospérité économique et de tranquillité politique sous la protection fragile de nos systèmes représentatifs. Nous ne croyons plus au salut commun. Ni au salut, ni au commun.

Il y a trois raisons à cela, liées entre elles : l’effacement du politique, la méfiance envers le Bien, le règne des droits individuels.

Les utopies politiques ont mené au pire. Elles ne nous font plus rêver aux lendemains comme hier, repliés que nous sommes sur notre aujourd’hui et sur nous-mêmes. La politique semble avoir vaincu le politique. « La » politique est l’affaire de stratégies collectives ou de tactiques individuelles, c’est l’empire des « eux » ou le royaume des « je ». « Le » politique est l’affirmation de l’existence d’un « nous » (« nous le peuple »), au-delà des communautés familiale, amicale, régionale, religieuse, au-delà des identités de genre ou d’origine, et en deçà de la communauté humaine en général. Les péripéties ordinaires du gouvernement représentatif ont étouffé le sentiment d’appartenance collective et l’aspiration à un destin commun, lesquels ne ressurgissent que lorsqu’une brutale émotion ébranle le corps social, à l’occasion d’une menace extrémiste ou d’un attentat terroriste. Mais dans l’ordinaire des jours, les aléas de la conquête et de l’exercice du pouvoir occultent le politique, c’est-à-dire les conditions d’unité de la communauté.

Nous ne croyons plus au Bien. Nous ne rêvons plus d’une Cité bonne, enfin débarrassée du Mal, nous aspirons simplement à une société — ou à un monde — moins mauvais. De ces aspirations témoignent jusqu’aux manifestations qui mobilisent de loin en loin les jeunesses des pays occidentaux ou qui soulèvent les peuples de la planète. Mouvements altermondialistes contre le capitalisme financier, Forum social Mondial (Porto Alegre), Occupy Wall Street, Indignés, Nuit debout, etc. Mouvements en faveur de la démocratie dans les pays d’Europe du Sud des années 1970, puis en Amérique latine et, sur d’autres continents, luttes d’émancipation de la place Tian’anmen (Pékin), de la place Tahrir (Le Caire), de la place Taksim (Istanbul), de Sidi Bouzid (Tunisie), révolution des parapluies (Hong Kong), etc. En dépit de la diversité de leurs contextes et de leurs objectifs, il y a dans toutes ces révoltes une constante qui les distingue des utopies révolutionnaires passées : on se rebelle contre quelque chose, on ne se mobilise pas pour quelque chose. On sait ce qu’on rejette (injustices, misères, corruption, humiliation, arbitraire, ségrégation et répression), on ignore ce à quoi on aspire. Ou plutôt, c’est comme si tout ce qui était désiré, c’était justement un « moins » – d’injustice, de misère, d’arbitraire, de corruption, de ségrégation, de répression, etc. –, tout au plus le moins possible, mais jamais l’impossible d’un horizon collectif. Ceux qui aspirent, partout dans le monde, à abattre un pouvoir tyrannique rêvent encore, eux, de cette « démocratie » nôtre — laquelle ne nous fait plus rêver parce que nous croyons que les libertés fondamentales en quoi elle consiste nous sont données de toute éternité et qu’elle se réduit à voter épisodiquement pour des politiques qui nous laisseront insatisfaits. Car lorsqu’on n’a plus rien contre quoi se révolter, il ne reste que des motifs de revendication. Mais nul ne songe plus à une Cité parfaite : ni ceux qui se lèvent ailleurs contre leur servitude et la misère, ni ceux qui luttent ici pour des conditions de vie décentes et la satisfaction de leurs intérêts. Il n’y a plus d’utopie politique.

C’est ainsi que s’est installé, chez nous, le règne des droits individuels. Car nous ne désirons plus un État idéal qui nous unisse et fasse de nous un nous, un nous inédit, un nous enfin nous-mêmes : nous attendons seulement que cet État nous laisse tranquilles, chacun pour soi, et qu’il nous permette de réaliser les aspirations individuelles auxquelles nous pensons avoir droit. Le rêve d’émancipation collective a éclaté en une multiplicité dispersée de désirs. On peut fixer la date récente où ce « nous » jugé trop puissant a commencé à se replier sur des « moi » conquérants. C’est lorsque ces moi, pour se légitimer, prenaient encore le masque de l’ancien nous. Au dernier tiers du xxe siècle, les revendications individualistes étaient encore teintées d’une coloration révolutionnaire ; on ne rêvait plus à la libération d’une classe ou d’un peuple, mais on rêvait encore à une libération politique : celle des désirs individuels. L’idéal prolétarien avait pris une couleur libertaire : ce furent les mouvements dits de « Mai 68 ». Le concept de révolution reculait dans l’histoire sociale, il progressait dans les mœurs. Dans ces mouvements des pays capitalistes occidentaux, on croyait, on soutenait, on affirmait, par les textes, par les discours, que tout, dans la vie de chacun, était politique par nature, au-delà de la politique elle-même. L’amour était politique : les relations hommes-femmes, les sentiments, la sexualité étaient considérés comme déterminés par l’existence sociale — donc ils étaient politiques. L’art lui aussi était politique : le faux art, c’était l’art réactionnaire, la musique tonale, la peinture figurative, le roman ou le cinéma narratifs, etc. Le « vrai art », c’était celui des avant-gardes, révolutionnaire dans sa forme et messianique dans son contenu. La morale, quant à elle, était de part en part politique. Ou alors elle était creuse, ridicule. (C’était avant que tout ne devienne éthique.) Tel était le programme : libération collective des aspirations individuelles, « vivre sans temps morts et jouir sans entraves ».

Depuis le début du xxie siècle, il n’y a plus du tout d’utopie politique. Ni rêves de libération sociale ; elle s’est heurtée au mur de la réalité totalitaire : de ses espoirs, il ne reste que quelques réalisations, de plus en plus fragiles, de l’État providence. Ni rêves d’accomplissement libertaire ; ils se sont heurtés à la fin des illusions et au retour du conservatisme. Des uns et des autres, il ne reste que l’empire des droits. L’ère de l’individu n’a plus besoin de s’abriter derrière l’idéologie de la libération, le vocabulaire libéral des droits subjectifs lui suffit.

Les droits individuels, en effet, dans le sillage et sur le modèle, souvent infidèle, des « droits de l’homme », sont devenus notre seul idéal depuis que nous avons perdu foi en l’Idéal. Car l’idée de « droits de l’homme » est doublement la négation de toute utopie politique : parce qu’il s’agit de « droits » et parce qu’il s’agit de « l’homme ».

 

Les droits de l’homme contre les utopies politiques

Si nous ne vivons ensemble que parce que nous avons des droits et afin d’en avoir encore davantage, alors nous n’avons aucune raison d’imaginer un salut commun : le salut n’est pas dans le commun, mais dans le propre.

Par opposition au Droit (en anglais Law) qui, en s’imposant à tous du haut vers le bas, norme objectivement les rapports entre citoyens, il y a désormais l’empire croissant des droits subjectifs (en anglais rights) — revendications particulières qui s’efforcent, du bas vers le haut, de s’imposer à tous. On décrit souvent ces droits comme étant de deux types ou de deux générations. Il y a d’un côté, ou il y eut dans un premier temps depuis la Révolution française, la reconnaissance des droits-libertés (droits de faire quelque chose : aller et venir, s’associer, se réunir, afficher ses opinions, pratiquer sa religion, etc.) ; il y a d’un autre côté, ou il y eut dans un second temps, depuis la Seconde Guerre mondiale, les droits sociaux, dits droits-créances, droits de bénéficier d’une certaine prestation de la part de la puissance publique (les droits à : l’éducation, la santé, le travail, etc.). Ils reposent sur deux sens opposés de l’idée de droits. Les premiers définissent un territoire d’égale indépendance de chacun et de tous par rapport aux ingérences de la puissance publique ; les seconds définissent un horizon d’attente de chacun et de tous par rapport aux actions de cette même puissance publique. D’un côté, ils interdisent à l’État d’agir dans certaines sphères d’action des individus ; d’un autre côté, ils obligent l’État à agir dans certaines sphères en faveur des individus. Pourtant les uns et les autres vont dans le même sens du point de vue de la perte de l’idéal en un salut commun. Nous sommes devenus doublement libéraux. Libéraux, nous nous réjouissons de vivre dans une société d’égale liberté, garantissant par des droits négatifs la sphère d’autonomie de chacun. Libéraux, nous vivons bon gré mal gré dans une société de marché et nous attendons de l’État des actions qui corrigent les effets d’inégalité économique et sociale qui en résultent. Nous voulons un État qui nous rende moins inégaux tout en nous laissant tous indépendants : de lui et des autres. La demande inquiète de moins d’injustice a là encore remplacé la volonté du Bien. Partout dans le monde où ces deux conditions de l’autonomie individuelle (libertés fondamentales et prestations sociales) ne sont pas atteintes, les peuples y aspirent. Leur Cité idéale ressemble souvent à notre pauvre Cité réelle qui nous laisse pourtant insatisfaits. Nous ne cherchons plus à nous accomplir par et dans la communauté politique et nous n’aspirons plus à nous fondre en elle. Nous attendons de l’État qu’il nous permette de vivre sans lui.

C’est parce que nous ne croyons plus au politique que nos rêves prennent désormais la forme lucide et prosaïque de la demande indéfinie de nouveaux droits individuels. C’est parce que nous ne croyons plus à la Cité juste, ni à la Cité ni à la Justice, que nous multiplions les foyers de revendication. Nous voulons non seulement plus de droits de (faire) et plus de droits à (des services) mais surtout nous les voulons également pour d’autres êtres que nous tous. Il y a ainsi deux mouvements parallèles : d’un côté, une multiplication des types de droits (libertés, mais surtout créances), d’un autre côté, une prolifération des porteurs de droits ; à la limite tout groupement d’intérêts réel ou supposé est tenu pour un détenteur de droits. Au lieu d’être l’autre nom de l’égalité de tous – ce qu’ils étaient originairement –, les droits sont devenus synonymes d’intérêts particuliers. Contre les inégalités des hommes et des femmes, nous revendiquons paradoxalement les « droits des femmes » ; contre les mauvais traitements et l’absence d’éducation, nous en appelons aux « droits de l’enfant » ; contre les discriminations nous arguons des « droits des homosexuels » ; contre la médecine intrusive, nous réclamons le respect des « droits des malades » ; contre les failles des transports publics nous demandons la reconnaissance des « droits des usagers », etc. Le « droit au travail » est invoqué à la fois par le chômeur qui exige de la puissance publique qu’elle lui donne un emploi et par le non-gréviste qui exige de pouvoir accéder à son poste en s’opposant au piquet de grève. Nous demandons à l’État de reconnaître le droit des fumeurs à fumer et celui des non-fumeurs à ne pas être enfumés, celui des mécréants à blasphémer et celui des croyants à ne pas être offensés ; nous voulons qu’il accorde à tous les célibataires un droit à l’enfant et à tous les enfants le droit « à un papa et à une maman ». Et finalement, là où jadis s’imposaient à nous des devoirs moraux ou des normes juridiques naissent tous les jours d’inattendus bénéficiaires putatifs de nouveaux droits : les cultures autochtones, les animaux, les robots, la Nature, la biosphère, la Terre-mère, etc. – tant ce mot de « droit » est devenu mobilisateur et fédérateur d’énergies autour d’une cause, grâce à son extraordinaire ambiguïté (avantage ? habilitation ? licence ? privilège ? non-interférence ? pouvoir ? revendication ? immunité ?)[3].

Tout cela est au fond réjouissant et marque la victoire (hélas géographiquement partielle et socialement fragile) de l’autonomie individuelle sur la toute-puissance des États, les sociétés fermées, les cultures fusionnelles ou les intégrismes religieux. Mais cela n’incite guère à l’utopie, et encore moins à la révolution.

 

L’homme des droits contre les utopies politiques

Les droits subjectifs sont des droits, et d’abord de l’homme. Mais « l’homme » ne saurait lui non plus coaliser beaucoup les énergies. Nous croyons de moins en moins à l’humanité. Les revendications prolifèrent parce qu’elles sont irréductiblement singulières.  C’est la différence qui compte et qui vaut. Comme l’écrit Marcel Gauchet : par opposition à l’idéal démocratique originaire (chez Rousseau, par exemple) dans lequel « chaque citoyen était requis de s’approprier le point de vue de l’ensemble depuis son propre point de vue, dans la nouvelle configuration qui se dessine, c’est la disjonction qui prévaut, chacun ayant à faire valoir sa particularité auprès d’une instance du général dont il ne lui est demandé à aucun moment d’épouser le point de vue[4] ». L’homme n’apparaît donc jamais à l’horizon de nos mobilisations, noyé sous les nouvelles façons de faire nous.

Il est vrai que l’homme, l’humanité, l’humanisme n’ont jamais fait bon ménage avec les utopies. Ni avec les utopies littéraires, ni avec les utopies en acte. Les premières s’appuyaient certes sur une certaine conception de l’être humain : bon en lui-même mais vivant dans des communautés politiques qu’il fallait donc refonder. Les utopies en acte s’appuyaient bien sur une vision générale de l’humanité dans l’histoire (race contre race, classe contre classe), mais la révolution conduisant à la libération et à la sortie de l’histoire devait être accomplie à l’intérieur d’un pays, d’une nation ou d’un peuple, porteur du destin de toute l’humanité.

Ainsi en allait-il du nazisme. « L’Aryen est le Prométhée de l’humanité […] ; il a toujours […] montré à l’homme le chemin qu’il devait gravir pour devenir le maître des autres êtres vivants sur terre ; si on le faisait disparaître, une profonde obscurité descendrait sur terre, en quelques siècles la civilisation humaine s’évanouirait et tout le monde deviendrait un désert » (Mein Kampf). Il faut donc en finir avec l’humanisme et le cosmopolitisme. Et casser réellement l’histoire humaine en deux : elle a toujours été celle de la lutte de la race aryenne contre ses ennemis, et notamment la race juive. Il faut recourir à une solution finale : débarrasser définitivement la terre des Juifs afin d’assurer enfin le triomphe de la race aryenne : l’Allemagne est porteuse de ce rôle destinal.

Il en alla ainsi du « socialisme réel ». Il fallait là encore casser l’histoire humaine en deux. Elle a toujours été celle de la lutte des classes : il ne devrait désormais plus y avoir de classes. Depuis toujours, il y a eu propriété privée. Elle devra désormais être abolie. Mais la disparition définitive des classes et de la propriété doit passer d’abord par l’exacerbation, à l’intérieur d’un pays, de la lutte des classes jusqu’à son terme : le prolétariat et la paysannerie sont héritiers de ce rôle historique.

Ainsi, à l’époque où le marxisme était tenu pour un horizon intellectuel indépassable et la révolution prolétarienne pour l’horizon indépassable de cet horizon, « l’homme » de « l’humanisme » était décrié parce qu’il supposait une unité d’essence au-delà des vraies communautés, définies elles-mêmes par un antagonisme fondamental : antagonisme interne des classes (exploiteuses/exploitées), antagonisme externe des peuples (oppresseurs/ opprimés) ou des cultures (dominantes/minoritaires), etc. On ne pouvait envisager une cause commune à l’humanité ni préparer ou défendre une hypothétique révolution des humains. Et d’abord contre qui et contre quoi ? « Je ne vois pas d’homme, disait-on après Marx, je ne vois que des ouvriers, des bourgeois, des intellectuels. » L’homme n’était pas la mesure de toute chose, le vrai étalon de mesure était inférieur : par exemple bourgeois ou prolétaires. L’humanité, c’était trop dire, la réalité de l’histoire se jouait à un niveau inférieur.

 

Les utopies révolutionnaires semblent donc avoir déserté l’horizon idéologique de notre Modernité. En tout cas les utopies politiques. Il se pourrait cependant que notre époque ait encore le pouvoir d’en concevoir de nouvelles. Car on ne s’en débarrasse pas si facilement. Chassons-les par la porte de l’histoire, elles reviennent par la fenêtre de l’imagination. Chassées de notre idéal politique, elles seront post-politiques.

On peut entrevoir ces nouvelles utopies révolutionnaires dans les deux traits qui définissent le contemporain, au travers de l’ambiguïté même de l’expression « droits de l’homme ».

Négativement, elles se dessinent en creux à partir des doutes sur ce que nous sommes.

Positivement, elles accomplissent ce que nous savons être : des individus.

Doutes

Toute utopie s’appuie sur un « nous ». Et tout nous a besoin de récits pour dire qui nous sommes et d’idéaux pour dire comment le devenir. Nous aussi, donc. Mais le problème est de savoir qui est-ce. Car ces nous dispersés ne font plus une communauté, peut-être pas même une collectivité. Nos idéaux contemporains trahissent des doutes. Nous ne pouvons plus nous définir par nos communautés d’appartenance, elles sont floues ; ni par une identité de races : elles n’existent pas ; ni par des identités de cultures : elles sont poreuses ; ni par des identités sociales : elles sont devenues insuffisantes, les solidarités de classe se sont écroulées à l’ère des revendications éclatées. Alors qui sommes-nous collectivement, nous autres, titulaires de droits individuels ? Des êtres humains, puisqu’il y a des droits de l’homme ? Mais pourquoi serions-nous seuls à bénéficier de droits ? Pourquoi pas tous les esprits qui pensent, donc aussi les robots, ou tous les organismes qui sentent, donc aussi les animaux sensibles ?

Qui sommes-nous ? Nous les hommes, nous les vivants, nous les esprits. La nature humaine, n’est-ce pas une vieille chimère métaphysique ? Voire un préjugé religieux hérité du monothéisme ? Partageons-nous une même essence, celle de l’humanité ?

Ce qui nous reste de progressisme y répugne. Dire l’humanité, c’est refuser de dire les hommes ou les femmes, les riches ou les pauvres, les profiteurs ou les laissés pour compte. Dire l’homme, c’est étouffer sous un voile d’ignorance la voix des dominés ou des exploités : les femmes, les cultures minoritaires, les animaux, etc.

Ce que la Modernité a produit de relativisme, hérité pourtant du vieil humanisme, va dans le même sens. Tout prétendu universel attribué à l’humanité en général ne serait au fond que la projection des valeurs particulières de la culture dominante. Les droits de l’homme, par exemple, seraient inséparables de la culture européenne du xviiie siècle où ils sont nés (lutte contre l’absolutisme, philosophie du libéralisme, chimère d’une égalité formelle). Pire : tout prétendu universel ne serait que la traduction des intérêts particuliers des puissants. En somme l’« humanité » s’est nommée civilisation pour masquer la barbarie.

Cette méfiance envers l’humanité trouve encore un relais dans tous les courants philosophiques, culturels, artistiques marqués par la « déconstruction » de « la » métaphysique. Il conviendrait de se débarrasser de ces catégories héritées, trop violentes pour être honnêtes, et forcément totalitaires : « l’Être », « le Sujet », « l’Essence », « la Raison », « l’Un », « le Sens », « l’Art », etc., qui s’entrecroisent dans l’idée d’« Homme », laquelle en est la résultante ou peut-être même la source ultime. La différence, voici ce qui importe.

Cet anti-essentialisme semble bien pouvoir être justifié par la nouvelle science reine : la biologie. La biologie moléculaire a contribué à populariser l’idée de la continuité de toutes les formes du vivant (et notamment de tous les animaux, qu’ils soient humains ou non) et celle de la continuité du vivant et de l’inerte (et notamment du naturel et de l’artificiel, de l’organique et de l’informatique).

Veut-on réduire l’humanité à une espèce biologique ? La biologie de l’évolution nous a appris qu’aucune réalité vivante n’est constante, ni clairement déterminée. L’unicité de l’espèce humaine, le « genre humain » comme on disait, était liée, dans la tradition religieuse, philosophique ou scientifique, à un présupposé fixiste : chaque espèce vivante était définie une fois pour toutes et elles étaient hiérarchisées : au sommet, l’homme. Prétendre aujourd’hui enfermer l’espèce humaine dans une définition, c’est refuser d’admettre l’indétermination dynamique des espèces et la précarité des frontières qui les séparent, ce serait revenir à une biologie pré-darwinienne. Dieu n’a pas créé de toute éternité l’essence du Chien ou du Singe. Il en va de même de l’Homme. Comme toutes les autres espèces, il est sans limites clairement définies.

Mais l’homme ne s’efface pas seulement du paysage biologique, il s’efface même des sciences humaines, sous l’influence du postulat naturaliste des neurosciences et du paradigme cognitiviste. Car la cognition n’a rien de spécialement humain : la perception peut être attribuée aux robots comme aux guépards, il y a de la mémoire chez les éléphants comme dans les ordinateurs, l’intelligence est naturelle chez les singes et artificielle dans Google DeepMind, il y a du langage chez les abeilles, dans l’ADN ou dans les programmes informatiques, etc. Selon le postulat naturaliste, il n’y a pas d’essence de l’homme parce que la réalité humaine est au-delà de l’homme : dans l’« esprit » en général (the mind, et non pas der Geist), qu’il soit incarné dans des êtres vivants, des animaux, ou dans des êtres artificiels, des machines.

La « philosophie de l’esprit » qui accompagne ce changement de paradigme ne se focalise donc pas sur l’humain, car l’esprit peut être inscrit sur n’importe quel support, qu’il soit organique – le cerveau d’un être vivant – ou informatique – le processeur d’un ordinateur. Les frontières classiques de l’humain, que ce soient les barrières métaphysiques (l’Esprit opposé à la Matière, l’âme opposée au corps) ou les anciennes lignes de démarcation anthropologiques (la culture opposée à la nature) se sont écroulées. L’humain est vague, entre le naturel et l’artificiel. L’homme est flou, entre l’animal et la machine.

C’est à partir de cet antihumanisme que se construisent aujourd’hui les deux voies principales de l’utopie : infra-humanistes ou supra-humanistes. Comme deux voies opposées. Car méconnaissant qui nous sommes, nous hésitons sur ce que nous aspirons à devenir.

 

Les voies opposées nouvelles de l’Utopie : l’homme entre dieu et bête

Dans l’Antiquité, chez Aristote en particulier, les hommes étaient définis par deux grandes oppositions. Au-dessus d’eux, il y avait des dieux ; au-dessous d’eux, il y avait des animaux. Ce que les hommes avaient en commun avec les uns les opposait aux autres ; et ce qui les distinguait des uns les liait aux autres. Les hommes avaient en commun avec les dieux d’être rationnels — ce qui les opposait aux animaux, qui ne peuvent pas argumenter ou raisonner. Mais les hommes avaient en commun avec les animaux d’être des vivants mortels, ce qui les opposait aux dieux, qui, eux, sont des vivants immortels. Il y avait donc trois sortes de vivants (zôa) ; pour ainsi dire trois « faunes » : les vivants immortels rationnels ; les vivants mortels sans raison ; et l’homme, entre ses deux « Autres » : ni irrationnel comme les bêtes, ni immortel comme les dieux. Voilà qui garantissait la nature humaine. L’homme est au centre du monde, non pas au sens où il en serait l’espèce la plus haute, mais au sens où sa propre nature, pour imparfaite qu’elle soit, est enserrée, et comme à mi-chemin, entre deux autres natures parfaites, l’animal et le dieu[5]. Nous savions ce que nous avions à faire, parce que nous savions qui nous sommes. Mais, parce que nous savions que nous ne sommes ni des bêtes ni des dieux, nous savions aussi ce que nous ne pouvions pas faire. Vouloir se grandir jusqu’au ciel des dieux, c’était pécher par hybris, par la « démesure » de celui qui veut outrepasser ses limites naturelles. Inversement, tendre à s’abaisser jusqu’au niveau des bêtes, abandonner sa faculté rationnelle, c’était chuter dans la bestialité honteuse. Or, parce que, aujourd’hui, nous ne savons plus qui nous sommes, nous autres humains, nous nous identifions tantôt à des bêtes (libérales), tantôt à des dieux (libertariens). Telles sont les deux utopies de notre Modernité. Non pas des utopies de qui imagine vivre en un autre lieu, mais plutôt de qui imagine être un autre.

Nous ne pouvons plus penser ce que nous sommes : des êtres humains. Nous avons perdu les deux repères qui nous définissaient : nos limites supérieure et inférieure. Comme les autres animaux, nous sommes le fruit de l’évolution naturelle et ce qui nous différencie des bêtes n’est ni une différence absolue ni une opposition de nature. Nous savons aujourd’hui qu’il y a de la conscience chez la plupart des animaux supérieurs ; qu’il y a des modes de communication chez de nombreuses espèces sociales ; de l’intelligence chez les primates ; qu’il y a même des modes de transmission des acquis culturels chez certaines espèces de chimpanzés, etc.

Par ailleurs, nous ne croyons plus que le Ciel soit habité par des dieux immortels : pour une bonne partie de la Modernité, le Ciel est vide : c’est ce que l’on appelle la sécularisation du monde ; et pour une autre partie de la Modernité, là où Dieu commande encore en maître absolu, Il est si inconcevablement Grand, si élevé et si loin de nous que nous ne pouvons plus nous définir par rapport à Lui. Aucune distinction ne nous sépare donc des bêtes, alors même qu’une distance infinie nous sépare de l’au-delà.

De là les deux grandes utopies opposées qui se partagent aujourd’hui l’horizon humain. D’un côté, l’utopie post-humaniste est l’héritière de l’idéal libertaire de jouissance ; elle rêve d’un nouveau « je », plus puissant qu’il n’a jamais été, et triomphant de sa propre animalité et mortalité. D’un autre côté, l’utopie animaliste est l’héritière des grands espoirs de libération collective du xxe siècle ; elle rêve d’un nouveau « nous », d’une nouvelle communauté au-delà du politique, la communauté de tous les animaux sensibles.

Nous rêvons pour l’homme d’un avenir divin ou d’un destin animal.

Y aurait-il donc encore place, entre ces deux utopies antihumanistes, pour une utopie humaniste ? Est-il encore possible de rêver pour l’humanité d’un destin à sa mesure ? Est-il déjà trop tard pour une nouvelle utopie politique ou n’est-il pas encore temps pour une utopie humaniste, la révolution cosmopolitique ?

 

Il serait possible de déduire a priori ces trois idéaux à partir de notre seule certitude : nous sommes devenus des individus. À quoi donc pourraient ressembler des programmes révolutionnaires à l’ère des droits subjectifs ? Nous délivrer du Mal. Qui nous ? Ce peut être vous et moi. Ou ce peuvent être les habitants d’une nouvelle Cité post-politique.

Le premier type de programme serait celui d’une utopie libertarienne : le Mal serait tout ce qui entrave et limite l’action, la pensée et la vie individuelles : la maladie, la vieillesse, la mort, en un mot, l’animalité. Le droit, ce serait le privilège de chacun de vivre mieux, de vivre plus, de vivre toujours. J’ai bien le droit ! Qui serions-nous ? Nous ne serions que des moi mais pour toujours. Notre éthique serait à la première personne : être soi, pleinement. Post-humanisme.

Quant au second type de programme, de deux choses l’une. Ou les habitants de la nouvelle Cité seraient d’un nouveau genre, ou la Cité elle-même serait d’un nouveau genre.

Dans le premier cas, les individus ne seraient plus humains, car la Cité serait élargie à tous les êtres sensibles. Le Mal serait la souffrance ou la domination. La Cité idéale, la Callipolis de Platon, serait une Zoopolis. Tous les êtres sensibles seraient détenteurs des mêmes droits, c’est-à-dire d’immunités. Qui serions-nous ? Nous serions des animaux sensibles aux animaux sensibles. Notre éthique serait à la deuxième personne : la compassion, la culpabilité. Animalisme.

Dans le second cas, les individus seraient humains car la Cité serait élargie à tous les hommes. Le Mal serait la guerre ou la condition d’étranger. La Cité bonne, la Callipolis de Platon, serait une cosmopolis. Tous les êtres humains seraient détenteurs des mêmes droits, c’est-à-dire de libertés égales. Qui serions-nous ? Nous serions l’humanité. Notre éthique serait à la troisième personne : la justice. Cosmopolitisme.

[1] Dans la République s’entremêlent un programme communiste (communauté des biens, des femmes et des enfants chez les guerriers, V, 457c-471c) et un programme eugéniste (contrôle du nombre d’unions et sélection des meilleurs accouplements par l’État, au moyen de tirages au sort truqués, V, 458d- 460b).

 

[2] « Le gouvernement des personnes fait place à l’administration des choses et à la direction des opérations de production. L’État n’est pas “aboli”, il s’éteint », Karl Marx, Anti-Dühring.

[3] Pour une analyse précise de l’ambiguïté proprement juridique de la notion de « droits », on lira de Jean-François Kervégan « Éléments d’une théorie institutionnelle des droits », dans Klesis-Revue philosophique, « Philosophie analytique du droit », 2011 (http://www.revue-klesis.org/pdf/Klesis-Philosophie-analytique-du-droit-5-Kervegan.pdf), qui se réfère notamment à la classification quadripartite (right, priviledge, power, immunity) de W.N. Hohfeld, Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning, Yale University Press, 1964, p. 36 et sq. On remarquera que « chaque type de droit correspond à une acception spécifique de l’idée de liberté » mais qu’aucun ne correspond à la trop rapide distinction libertés/créances.

[4] Marcel Gauchet, La Religion dans la démocratie, Gallimard, « Folio Essais », 1998, p. 115.

[5] Sur ces points, nous nous permettons de renvoyer à notre étude « L’animal et le dieu : deux modèles pour l’homme ». dans Penser avec les Anciens. Un trésor pour toujours, Pluriel, 2016.