Francis Wolff – Philosophe – Présentation

Francis Wolff portrait
Francis Wolff


Francis Wolff est né en 1950. Il est actuellement professeur émérite de philosophie à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm,

Francis Wolff a enseigné la philosophie comme professeur agrégé du second degré (École normale d’instituteurs de Laon, lycée Fernand Darchicourt d’Hénin Beaumont, lycée de Plaisir), et en classes préparatoires (khâgne du lycée La Bruyère à Versailles). Il a tenu la chaire de philosophie ancienne du Departamento de filosofia de l’Universidade de São Paulo (Brésil) et de l’université de Paris-X Nanterre dont il a dirigé le Centre Festugière. A l’École normale supérieure, Francis Wolff a été maître de conférences, Directeur Adjoint (Lettres et sciences humaines), et Professeur des universités au Département de philosophie, qu’il a dirigé pendant trois ans.

Il y a organisé et dirigé, de 2004 à 2020, le séminaire « les Lundis de la philosophie ».

Son dernier livre est une étude de métaphysique descriptive consacrée au temps, dans la ligne de Dire le monde.

Qu’est-ce que le temps ?Cette question nous plonge forcément dans l’embarras. La physique refuse de la poser : elle mesure le temps et en propose diverses théories au sein desquelles nous ne reconnaissons pas le temps de notre monde. Renonçant elle aussi à le définir, la philosophie se réfugie dans la conscience du temps, mais la psychologie expérimentale et les neurosciences révèlent à leur tour les aléas de notre perception. 

Il y a pourtant bien un concept de temps qui ne doit rien à la conscience ni à l’ordre cosmique, c’est celui de ce monde où nous vivons et dont nous parlons ; celui par lequel se distinguent l’avant et l’après, celui qui nous fait dire que les êtres changent et que Pierre est en retard. Tout cela dépend, à notre échelle, du mobilier du monde commun.

La philosophie peut ainsi reprendre l’analyse du concept de temps soutenue par toute la tradition, d’Aristote à Bergson, de Kant à David Lewis. Elle offre alors de nouvelles réponses à nos interrogations les plus classiques : Le devenir n’est-il qu’une illusion ? Le passé existe-t-il ou n’est-il qu’un fantôme de la mémoire ? Pourquoi le temps est-il irréversible ? Devons-nous l’imaginer comme une flèche dirigée vers l’avenir ou comme un fleuve précipitant notre présent en passé ? Ces problèmes n’ont pas épuisé leurs mystères. 

Au bout de l’analyse, il y a l’espoir d’éclairer ce qu’Einstein lui-même pensait être l’énigme du « maintenant ».

Vue d’ensemble du travail philosophique de FW

Une synthèse de son travail, destinée à en montrer l’unité, est parue en septembre 2021, sous le titre de Le monde à la première personne. Entretiens avec André Comte-Sponville.

Dans ce livre, Francis Wolff répond aux questions d’André Comte-Sponville. Celui-ci l’interroge d’abord sur sa conception de la philosophie, son enfance, sa formation, ses maîtres, et les philosophes contemporains qui l’ont influencé (Quine, Strawson, Foucault, Ricoeur, Rawls, Habermas). Le deuxième entretien est consacré au récit détaillé de la manière dont ses grands-parents paternels et maternels ont été déportés d’Allemagne vers Teresienstadt ou de Paris à Auschwitz. Il montre comment certaines positions qu’il a soutenues (contre l’idée de nation ou sur l’utopie cosmopolitique) ou certains des problèmes qui lui sont devenus chers (le mal, la liberté d’action, la tragédie des valeurs, l’objectivité du bien) trouvent leur source dans cette histoire familiale. A propos de ce dernier problème, il note (p.228) : « Ce problème… m’obsède depuis des années. Je devrais dire plutôt : il me terrifie. Sans lui, je serais sans doute demeuré un historien de la philosophie ou un métaphysicien placide. Sans lui, je serais resté un relativiste tranquille et satisfait : il n’y a ni Bien, ni Mal, il n’y a que des choses bonnes et mauvaises, bonnes pour les uns, mauvaises pour les autres. Ce n’est pas de gaîté de cœur que je me suis penché sur ce problème moral plutôt que sur des questions beaucoup plus excitantes pour l’esprit comme « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Sur le tard, le problème du bien s’est mis à me hanter. » A partir du Quatrième entretien, le livre suit le développement de sa philosophie, de la métaphysique à l’esthétique en passant par l’anthropologie et l’éthique. Il la déploie sous la forme cartésienne d’un arbre (p. 124-126), dont les racines sont l’ontologie (la question :  qu’y a-t-il dans le monde ? Entretiens 4 et 5), dont le tronc est l’anthropologie (la question : qu’est-ce que l’homme ? Entretien 6) et dont les branches sont l’éthique (qu’est-ce que le bien ? Entretiens 7 et 8), la politique (comment vivre ensemble ?, sur la politique, et l’amour, Entretien 10) et l’esthétique (qu’est-ce que l’art ? Entretien 9). Sur chacune de ces questions, montre-t-il, il s’est efforcé, à rebours de l’époque, de dégager des universaux anthropologiques comme conditions de possibilité de la diversité humaine : dans le questionnement métaphysique, dans le langage, dans la structure de la conscience, dans les modes de justification de l’action, dans chaque art et dans tous les arts.

Voir aussi…

Une analyse d’ensemble de sa philosophie a été proposée par Alain Policar dans son livre Le monde selon Francis Wolff. Ontologie, éthique et anthropologie. (Classiques Garnier, 2021). Cette étude est suivie d’une postface de Francis Wolff intitulée « En somme », qui en propose aussi un aperçu général, de la philosophie ancienne jusqu’aux engagements contemporains.

Un ensemble d’articles concernant son travail a été publié dans « Les amis et les disciples. Mélanges offerts à Francis Wolff », Journal of Ancient Philosophy Supplementary Volume 1, 2019, lire en ligne=https://www.revistas.usp.br/filosofiaantiga/issue/view/10999/1585

On peut lire aussi les contributions réunies dans la Revue Critique, n° 895, décembre 2021, « Francis Wolff, philosophe hybride », avec des contributions de Marc Cerisuelo, Jim Gabaret, Paul Clavier, Tristan Garcia, Francis Wolff, Paris, Editions de Minuit, 2022.

Ou les contributions réunies par Catherine Kintzler dans le Bulletin de la Société française de philosophie, « Retour sur l’universalisme. Autour du travail de Francis Wolff », Paris, Vrin, Septembre 2023: Anne Baudart, Étienne Bimbenet, Nassim El Kabli, Élise Marrou, Alain Policar.

Deux grands blocs: philosophie ancienne et engagements contemporains

Les différents aspects de la philosophie de Francis Wolff sont donc étroitement intriqués les uns dans les autres. Il est cependant possible d’y distinguer deux grands blocs, correspondants plus ou moins à deux périodes distinctes de recherches et de publications.

Une première partie est consacrée à l’histoire de la philosophie ancienne : Socrate, PUF, 4e édition, 2000, Aristote et la politique, 4e édition, 2008, L’être, l’homme, le disciple, PUF, « Quadrige », 2000, repris dans Penser avec les Anciens, Un trésor de toujours, Hachette Pluriel, 2016, ainsi que de nombreux articles.

Renvoyant dos à dos les interprétations historique et philosophique de l’histoire de la philosophie, ainsi que les méthodes philologique et analytique, Francis Wolff introduit la notion de « figures de la pensée » (Penser avec les Anciens, p. 9) définies comme des « modes de pensée inscrits dans l’histoire comme autant de solutions philosophiques à des problèmes, qui, de notre point de vue historique, traversent l’histoire et semblent devoir lui échapper ». La lecture d’un philosophe ancien doit donc toujours commencer par retrouver le problème dont le texte est une solution possible. Cette notion de « figure » est reprise dans Notre humanité (Introduction) pour caractériser le jeu de relation et d’opposition entre les quatre définitions de l’homme (Antiquité, Âge classique, sciences humaines du XXe siècle, naturalisme contemporain) qui traversent l’histoire de la pensée.

Depuis la fin des années 1990, les recherches de Francis Wolff dessinent les contours d’une philosophie personnelle, dont la méthode se veut aussi argumentative que la philosophie dite analytique et aussi ancrée dans la tradition que la philosophie dite continentale. Les idées centrales sont les deux suivantes: il n’y a d’ontologie qu’anthropologique et il n’y a d’anthropologie que « logique » — au sens du logos aristotélicien (langage et raison). L’être humain est défini par la possession d’un langage prédicatif (dire quelque chose à propos de quelque autre chose) dans sa double dimension « interlocutive » (parler à quelqu’un d’autre) et « objective » (parler de la même chose).

Trois axes contemporains: ontologique, anthropologique, esthétique

Les publications de Francis Wolff prennent ainsi trois directions principales qui se répondent et s’entrecroisent :

Un axe logico-ontologique (Dire le monde (Pluriel, 2020) ; Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? (P.U.F., 2013), Le temps du monde, Une étude de métaphysique descriptive (Fayard, 2023) ainsi que divers articles)

Un axe anthropologique dans lequel, outre  Philosophie de la corrida (Fayard, 2007, rééd. Hachette Pluriel, 2011) et  Il n’y a pas d’amour parfait (Fayard, 2016, « Mille et une nuits » 2023) ainsi que divers articles une trilogie est consacrée à l’être de l’homme:

+ Une étude historique et épistémologique sur différentes figures de l’humanité: Notre humanité, d’Aristote aux neurosciences  (Fayard, 2010, Pluriel 2023)

+ une analyse critique des représentations actuelles: Trois utopies contemporaines   (Fayard 2017)

+ une analyse des fondements rationnels de l’éthique humaniste: Plaidoyer pour l’universel (Fayard, 2019, Pluriel 2021). Lire ici l’Introduction; ainsi que ici le sommaire, et la Table analytique des matières.

un axe esthétique (Pourquoi la musique ?, Fayard, 2015, repris en Hachette Pluriel, 2019) ainsi que divers articles), dans lequel se trouve illustrée l’ontologie triadique de Dire le monde (choses, événements, personnes) par « le triangle des arts » : arts de l’image – représentations de choses sans événements —, arts musicaux – représentations des événements sans choses, arts du récit – représentations de personnes agissantes.

Couverture de la  nouvelle édition de poche de Pourquoi la musique?

Un entretien autour de l’ouvrage: Pourquoi la musique?