Dire le monde (PUF)

 

« Que pouvons-nous dire du monde ? La thèse critique que nous nous proposons de défendre tente d’éviter tant la réponse du dogmatisme métaphysique que celle du relativisme linguistique. Nous tenterons donc ici de passer de la question : Qu’est-ce qui constitue le monde ? à la question : Que doit être le monde pour que nous puissions le dire ? Et cette conversion d’une position métaphysique à une position critique, nous tâcherons de l’effectuer à propos de chaque trait du monde « apparent » que nous envisagerons. » Qu’est-ce qui, dans le monde, existe réellement ? Peut-on tout savoir du monde ? Peut-on agir librement dans le monde ? Telles sont quelques questions que pose la philosophie populaire et les réponses se doivent d’être éclairées par l’un des acquis de la philosophie savante : le langage. Lui seul permet de dire le monde avant de pouvoir parler du monde.Dire le monde, Paris, Presses universitaires de France, 1997, réédition complétée, coll. « Quadrige », 2004.

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?, PUF, 2013, collection « MétaphysiqueS » ouvrage collectif sous la direction de Francis Wolff, 226 pages.

Avec les contributions de Paul Clavier, Elie During, Frédéric Ferro, Franck Lihoreau, Quentin Meillassoux, Frédéric Nef, David Rabouin, Jean-Baptiste Rauzy.

 

En dépit de toutes les proclamations sur la « mort de la métaphysique », la philosophie ne peut aujourd’hui, pas plus qu’hier, se passer de l’interrogation métaphysique. Si elle décidait d’abandonner l’enquête sur les questions au-delà de l’expérience, elle laisserait le champ libre à toutes les spéculations irrationnelles, aux charlatanismes de la quête spirituelle, aux marchands d’illusion illuminée.
La question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » semble réunir à elle seule quelques vertus et tous les péchés que l’on prête à la métaphysique. Certainement insoluble, elle en montre bien le caractère ridicule, dépassé, voire inepte. Évidemment radicale, elle indique ce que la métaphysique a d’inévitable, de nécessaire, voire d’ultime. Elle est en tout cas un nœud de difficultés et de concepts dont les doctrines classiques sont loin d’avoir épuisé les possibles et sur lesquels la discussion s’avère encore féconde.
La première partie de ce livre interroge donc la question elle-même : est-elle une ou multiple, a-t-elle un sens ou non, quelles raisons a-t-on pu avancer pour la disqualifier ou pour prétendre y avoir répondu ? C’est à approfondir quelques réponses nouvelles, et possibles, qu’est consacrée la seconde partie qui fait surgir d’autres problèmes : la plausibilité des réponses théistes et naturalistes, la pensabilité du néant, l’impossibilité d’un monde vide, les limites du principe de raison suffisante.

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Lire l’introduction : « (Re)faire de la métaphysique ? »

Lire le chapitre III « Une question hybride ? »

Dans ce chapitre, je tente d’analyser à ma manière la question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? », tout en fournissant à la fois quelque motif pour la disqualifier dans sa formulation et proposer quelques pistes pour comprendre l’illusion dont elle est porteuse et l’inévitabilité avec laquelle elle s’impose. J’entreprends l’analyse de la question « pourquoi », et j’oppose ses présupposés et ses exigences à ceux de la question « qu’est-ce que » (opposition traitée au chapitre 2 de Dire le monde), les deux façons de rendre raison des entités primordiales, les événements d’un côté, les « choses » de l’autre. De ces exigences se déduit aisément que la question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » impose un type de réponse qui contredit la règle propre au « pourquoi » (une entité s’explique par une autre) raison et qui correspondrait plutôt aux exigences d’arrêt imposées par le « qu’est-ce que » (une entité s’explique par elle-même). Il n’y a pas de sens à chercher la cause de l’existence de quoi que ce soit ; et poser la question « pourquoi quelque chose plutôt que rien ? », c’est implicitement, ou subrepticement, « événementialiser » l’existence, par ailleurs « chosifiée ». C’est ce que prouvent par les effets les confusions auxquelles mènent inévitablement les deux voies directes classiques pour répondre à la question « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »: la réponse théiste et la réponse nécessitariste, comme les voies indirectes (« rien » serait impossible). Reste à se demander comment une telle confusion entre catégorie de « choses » et catégorie d’ »événements » est possible. On avance une solution naturaliste à ce problème. Il y a peut-être un gain adaptatif pour les animaux «métaphysiques» à faire fonctionner pour eux-mêmes ces instruments de repérage que sont ces deux questions, et donc à en croiser les exigences.

Penser avec les Anciens (Hachette-Pluriel)

Penser avec les Anciens. Un trésor de toujours, Hachette Pluriel, 2016.

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Réédition modifiée de L’Être, l’homme, le disciple, Figures philosophiques empruntées aux Anciens, PUF, coll. « Quadrige », juin 2000.

 

L’histoire, selon Thucycide, était un « trésor pour toujours ». La philosophie ancienne n’est-elle pas, à l’inverse, un « trésor de toujours » ? Car on peut encore penser avec les Anciens. Et sur trois points décisifs : l’être, l’homme et le disciple.
L’être, c’est l’objet rêvé et impossible. Car « tout est être », mais tout quoi ? Tout ce qu’on peut montrer, ou tout ce qu’on peut dire ? L’ontologie se construit, et se perd, en se partageant entre deux voies, Démocrite ou Platon : une physique ou une logique.
L’homme, c’est l’objet nécessaire et introuvable. Son ombre pèse sur les éthiques les plus opposées, d’Aristote à Épicure, et impose sa figure constante, entre deux autres, l’animal et le dieu.
Le disciple, c’est le destinataire privilégié. Trois figures en sont possibles (socratique, épicurienne et aristotélicienne), qui dessinent trois voies de la philosophie : une critique, un art de vivre, un savoir.

Le langage et l’universel

« Le langage et l’universel. Les fonctions ontologiques des catégories aristotéliciennes », p. 43-73 de Le philosophe et le langage. Études offertes à Jean-Claude Pariente, sous la dir. De Martine Pécharman et Philippe de Rouilhan, Vrin, 2017, coll. « Analyse et Philosophie »

Dans cette contribution, dédiée à Jean-Claude Pariente, je montre qu’il y a deux façons de poser la question ontologique : « qu’est-ce qui existe? ». On peut se demander comment identifier les différentes entités existantes comment les différencier les unes des autres ? D’un autre côté, on peut se demander si « exister » comporte des différences, voire des degrés, variables selon ce qui existe ? Dans le premier cas, la question de l’être revient donc à la question qu’on appelle de l’essence. Les différents êtres diffèrent par ce qu’ils sont. Dans le second cas, il serait possible d’exister diversement voire d’exister plus ou moins. Ainsi la différence entre « il y a des hommes » et « il y a des nombres » ne serait pas la différence déterminable entre deux genres d’êtres, mais la différence entre ce qu’est exister pour un homme et ce qu’est exister pour un nombre. On montre que, à ces deux types de question, Aristote a donné une même réponse : il y a différents « modes d’existence » – c’est-à-dire des façons différentes d’exister, et, en dernière instance, ce sont aussi les différentes catégories. On comprend ainsi ce qui a déterminé Aristote à l’idée catégoriale, c’est-à-dire à la thèse que les genres d’êtres se confondent avec les grands modes d’existence et nous sont donnés par les « schèmes de l’attribution ». Ils offraient une réponse « naturelle » en même temps que « logique », au problème de l’être, dans les deux dimensions que nous avons appris à distinguer (ce que sont toutes les choses qui existent, et comment existent toutes les choses qui sont) et que la question « qu’est-ce qui existe ? » (what is there ? en grec τί τὸ ὄν;) nous enseigne à ne pas séparer.

Proposition, être et vérité : Aristote ou Antisthène ? (à propos de Aristote, Métaphysique Δ, 29)

Théories de la phrase et de la proposition de Platon à Averroès, éd. Ph. Büttgen, St. Diebler et M. Rashed, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 1998, p. 45-67.

Dans  cet article, on montre que la définition classique de la vérité comme adequatio rei et intellectus se trouve bien chez Aristote en dépit de certaines interprétations de sa pensée d’inspiration heideggérienne. Cette définition repose sur la thèse aristotélicienne de la distinction des deux niveaux (vrai et faux ne qualifient pas les choses mais les énoncés ou les pensées qui portent sur elles). Cette thèse trouve le renfort de l’analyse du chapitre Delta 29 de la Métaphysique consacré au « faux ». Ce chapitre fournit une véritable archéologie des concepts de « proposition » et de « vérité » depuis Antisthène (la proposition comme définition ; dire vrai, « c’est dire ce qui est ») à Aristote (la proposition, le « dire quelque chose de quelque autre chose », n’est pas une définition; le vrai et le faux supposent l’analycité de la proposition), en passant par Platon 1 (Euthydème, Cratyle, Théétète) et Platon 2 (Sophiste). Loin d’infirmer la définition classique de la vérité, ce texte, comme d’ailleurs tous les autres dans la Métaphysique, la suppose.

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